Rencontre avec Viktor Lazlo à l’occasion de la sortie de son roman Les tremblements essentiels.
crédit photo: Vanessa Filho
Viktor Lazlo est une véritable icône, une femme très classe qui a traversé les décennies avec brio et en se développant dans plusieurs domaines, cinéma, chanson, écriture, une véritable passionnée par la vie et par les mots qu’ils soient écrits ou chantés, l’artiste a accepté de répondre à nos questions avec beaucoup de charme et d’intelligence.
Pouvez-vous nous présenter votre 3ème roman paru aux éditions Albin Michel ? Quels en sont les personnages ?
Les tremblements essentiels racontent l’itinéraire d’une femme Alma Sol, une chanteuse qui a eut son heure de gloire mais qui n’est plus dans l’œil du public, elle disparaît soudainement et tout le monde s’en fiche éperdument.
Cette histoire est racontée par 3 personnes qui l’ont aimée ou qui prétendent l’avoir aimée ; son premier amour, son premier ami Aurel qui lui a été littéralement percuté par la flèche de Cupidon le jour où il l’a rencontrée, il n’avait pas 14 ans, elle est devenue et restera pour lui la représentation ultime de l’amour et celle vers qui il tend quoiqu’il arrive.
Il y a Diane qui est l’épouse de Damien, ils forment un couple très cynique, très clairvoyant sur leur histoire personnelle et sur l’existence, ils auront tour à tour une relation charnelle avec Alma Sol.
Chez Diane, cette relation révélera chez elle des sensations et une part d’intimité qu’elle même ne soupçonnait même pas, qui révélera chez elle une capacité à l’empathie, alors que c’est une personne qui se présente de façon assez froide, alors que pour Damien, cette relation révélera sa virilité au sens le plus large du terme, sa capacité à être homme dans tous les rôles le père, le frère et l’amant.
En réalité, cette Alma Sol qui révèle tant de choses chez les autres ne sait pas elle-même qui elle est, les lecteurs la découvrent sous des aspects différents grâce à ses 3 personnages, Alma Sol flotte finalement à la surface de l’existence un peu comme un bois flotté en fonction des courants, elle apparaît tantôt égoïste, tantôt capricieuse, légère, inconséquente, et en réalité elle n’est rien de tout cela, elle n’est pas puisqu’elle ne sait pas qui elle est, sa quête à elle à travers ces rencontres, à travers ces 3 personnages, c’est sa quête de sa propre identité, elle n’est consciente que d’une chose, avoir échappé à son destin et d’être dans la projection du destin que sa mère aurait voulu pour elle.
Comment vous est venue l’idée des Tremblements essentiels ?
J’écris depuis très longtemps, mais l’acceptation de livrer à d’autres mes écrits est venue assez tard finalement.
J’avais écris il y a près de 15/20 ans une toute petite nouvelle dans laquelle une femme se trouvait prise dans les mailles d’un filet tendu par un couple pervers qui se faisait passer pour un frère et une sœur, je pense que c’est cette idée là qui a ressurgie à un moment, et l’idée du 3eme personnage Aurel rééquilibre le triptyque.
Je voulais mettre en lumière ce type d’hommes qui sont ne pas des super héros, qui n’ont rien de particulier à priori mais qui pour moi possèdent la chose la plus belle qui est l’aptitude à aimer l’autre pour ce qu’il est, avec le recul ; je me suis rendue compte que ces hommes là sont des hommes qui ont bien observé leur mère sans se sentir menacer par leur féminité et les femmes ou même les hommes qui rencontrent de tels personnes sont bénis par la providence.
Quant au titre, j’étais chez mon généraliste et je lui racontais que dans des situations de stress ou d’émotivité des parties de mon corps se mettaient à trembler, je craignais que ce ne soit les premiers symptômes de la maladie de Parkinson, et mon médecin m’a rassuré en me disant que cela s’appelait les tremblements essentiels, c’est une maladie neurologique et génétique et cela atteint un très grand nombre de personnes à différentes intensités.
J’ajouterais que pour moi il y autre chose également concernant les tremblements, pareils au tremblement de la Terre, à l’éruption d’un volcan ou à la vibration des ondes qui s’établissent entre deux êtres, ils sont invisibles mais tout ceci est à l’origine de l’univers qui est né du tremblement.
C’est pourquoi c’est un terme générique à la fois au sens propre puisque Alma souffre de ces tremblements essentiels et au sens figuré car de ces tremblements de l’être sont nées ces relations qui se sont distendues mais qui finissent par se sédimenter à la fin du roman.
Quelles seraient les similitudes entre vous et le personnage d’Alma Sol ?
J’ai volontairement campé mon personnage dans un milieu que je pratique depuis 30 ans, j’ai énormément voyagé comme Alma, je me suis retrouvée dans ces situations que je décris, mais la différence entre Alma et moi c’est que je n’ai jamais souffert de cette solitude, j’ai regretté par moment parce que se retrouver devant un paysage et n’avoir personne avec qui le partager c’est un peu triste, mais comme j’ai toujours écris j’ai toujours rapporté avec moi quelque chose qui reste, je ne prends pas de photos mais j’écris donc je finis toujours par partager l’instant mais différemment.
Alma souffre parce qu’elle ne sait pas qui elle est alors que moi je n’ai jamais eu ce problème, je suis née dans une famille unie avec des fondations très solides et je n’ai jamais perdu de vue d’où je venais ni pourquoi j’étais là.
Est-ce que l’écriture de ce roman diffère de vos 2 premiers ouvrages littéraires ?
Jusqu’à présent non l’écriture s’est toujours passée comme cela, quelque chose grandit en moi et un beau jour je sens que je suis prête, je m’assoie à ma table et j’écris, je ne suis pas quelqu’un qui s’assoit tous les matins à sa table et produit des mots, je ne sais pas faire comme ça, ma pluridisciplinarité fait que je ne peux pas faire ça.
Un jour, je me sens prête, je m’isole pendant un certain temps pour pondre littéralement l’ensemble de l’histoire, et puis après je la travaille, c’est de la relecture, de l’amélioration, de la réécriture et ensuite le travail avec mon éditrice qui pointe du doigt les faiblesses, qui essaye de me pousser à donner le meilleur de moi-même à ce moment là.
La première chose qui arrive sur le papier c’est l’histoire, le fil conducteur et la structure.
Votre précédent roman était dédié à Billie Holiday, l’artiste fait également partie de votre spectacle actuellement à l’affiche 3 femmes aux côtés de Sarah Vaughan et Ella Fitzgerald ; comment êtes-vous tombée sous le charme de cette grande dame du jazz ?
C’est une histoire d’adolescente, un jour j’ai entendu sa voix, j’ai soupçonné toute suite quelque chose de très menaçant derrière cette voix, j’ai pas vraiment voulu le savoir toute suite, mais la première fois que je suis montée sur scène pour un concert publique, j’ai chanté une chanson de Billie Holiday en y apportant des arrangements à l’exacte opposé du jazz, j’ai même chanté Goodmorning heartache en version rock, et puis petit à petit avec l’âge je me suis sentie prête de plonger dans sa vie et dans ce que je soupçonnais à savoir ce drame qui s’entend dans sa voix, il y a une espèce de sororité entre nous qui a finit par aboutir, je ne la copie pas on ne peut pas de toute façon.
C’est une femme joyeuse pour laquelle j’ai beaucoup d’estime, on la pensait totalement idiote alors que c’est la première à s’être emparée d’une chanson qui dénonce le lynchage des noirs dans le sud des Etats-Unis dans Strange fruit, c’est une femme qui est victime d’un contexte historique et social, elle est née à une époque où être une femme noire et chanteuse était une tare, elle est née dans la rue, n’a pas eut d’enfance, travaille à partir de 5 ans, premier viol à 9 ans, première prison à 11 ans, quoi d’autre que la rue…
La notion de fête dans ces milieux là était directement liée à la consommation de stupéfiants et d’alcool mais aussi à la liberté que conférait la pratique du jazz qui est l’équivalent musical de la liberté.
Quel est votre secret pour aussi bien concilier chanson, cinéma, théâtre et écriture ?
Le théâtre, je n’en ai fait qu’une fois, je monte sur les planches mais c’est la conséquence directe de la chanson dirons nous, pour le cinéma ou la télévision, je vous dirais que je n’ai jamais cherché à tourner, on est venu me proposer des rôles et cela m’a bien arrangée, cela m’a fait plaisir, c’est toujours agréable d’être choisie, d’éveiller le désir chez l’autre.
Les deux modes de création dont j’ai absolument besoin pour me sentir vivante ce sont l’écriture et la chanson.
La chanson, pour moi c’est sur scène car il faut vraiment me pousser pour entrer en studio, je ne fais rien pour mais sur scène c’est l’opposé, il faudrait plutôt me pousser pour en sortir.
Travaillez-vous justement sur un nouvel album, actuellement ?
Non, justement, je devrais mais je prends mon temps, pour l’instant je n’ai vraiment pas le temps, dans notre métier tout arrive au même moment, nous passons par des phases où vous sentez que rien ne sera possible même si vous faites des projets, et des fois c’est l’inverse tout arrive en même temps.
Vous réussissez à mener de front carrière Française et carrière internationale, quel regard avez-vous sur votre carrière de chanteuse ?
Ce que je pourrais dire c’est que plus j’avance, moins je fais de concession, la rupture avec les concessions date de l’album Begin The Biguine qui est sorti en 2007, j’ai commencé à mettre mon poing sur la table et à dire non j’ai envie de chanter des chansons de blues, de jazz, je n’ai plus envie d’être dans la variété, je ne m’y retrouve pas car la variété est trop changeante, trop liée à des modes, alors que le jazz qu’il soit classique ou plus académique ou même plus dans la fusion, est quelque chose de plus libre.
Vos premiers amours ont été le cinéma, avez-vous des projets dans ce domaine ?
Non, je n’ai pas de projets concrets pour le moment, même si je reçois toujours des propositions.
Notre tradition sur Influence est de laisser le mot de la fin à notre invité…
Je vous dirais que c’est un peu la morale du livre, s’il devait y avoir une morale, Connais-toi toi-même, ce n’est qu’en se connaissant que l’on peut arriver à la sérénité, il ne faut pas avoir peur de se tromper pour se connaître, de prendre des claques pour avoir une seconde chance.
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www.albin-michel.fr/Les-Tremblements-essentiels-EAN=9782226259912
crédit photo: Vanessa Filho