Joseph D’Anvers est un artiste qui touche son audience avec des mots qui trouvent un écho, écouter un album de l’artiste c’est un peu comme prendre le temps de vivre, de se poser, de faire un break et de se dire la vie est belle.
Son dernier album Les Matins Blancs est un très gros coup de cœur, ce genre d’album qui vous prend aux tripes et dont on gardera une trace à vie.
L’artiste a répondu à nos questions avec sincérité, simplicité et intelligence et nous le remercions pour cet excellent moment partagé !
Les Matins Blancs est ton 4ème album, pourquoi avoir choisi ce titre ? Est-ce un album qui est né d’insomnies ?
Les Matins Blancs est un album qui est né d’insomnies mais pas totalement d’insomnies nocturnes ; l’insomnie est un bon terme mais je lui donnerais un sens plus large ; je n’arrivais plus forcément à trouver le sommeil ou des raisons d’avancer.
Il y a eu de grands chamboulements dans ma vie, la séparation avec mon ancienne maison de disque mais aussi des coups durs, des soucis de santé et c’est dans des cas comme ceux là que l’on se pose des questions, des questions sur soi ou sur ce que l’on a envie de faire.
C’est de tout cela que sont nés Les Matins Blancs, c’est un album que j’ai écris la nuit mais en même temps qui m’a prit le jour et la nuit.
Le fil conducteur de cet opus est l’amour mais aussi la femme ; de nos jours il est rare qu’un homme chante l’amour avec une telle poésie, comment l’expliquerais-tu ?
Ca, je ne sais pas (rires), ça doit être comme ça que je suis.
Je pense que sous cette espèce de carapace de grand gaillard d’1m90 qui fait de la boxe, je suis profondément un écorché, quelqu’un de profondément sensible.
J’ai été qualifié d’ultra sensible, quand j’étais gamin, il y a toujours eu ce paradoxe en moi.
J’ai une sensibilité accrue au monde, un monde qui me blesse, qui me heurte souvent, et puis de part mes études d’images, de cinéma, d’arts appliqués et d’histoire de l’art, j’ai toujours appris à décoder les œuvres des autres, à les analyser et moi à m’exprimer en images.
Quand j’ai commencé à écrire mes chansons, il y a eu peut-être un langage un peu imagé, un peu cinématographique car je suis touché par des films où l’on retrouve de la sensibilité, des belles choses de vie, des histoires de rencontres ratées, des films dans lesquels on retrouve une certaine poésie et c’est cela que j’essaye de créer dans mes chansons.
Pour cet album, tu es devenu ton propre producteur, est-ce une manière de pouvoir gérer ton art de A à Z ?
Alors, je dirais oui et non, ce n’est pas manichéen, ce n’est ni blanc, ni noir, c’est gris.
Il y a un côté très pratique car tu n’as pas besoin de convaincre quelqu’un ou tu n’as pas besoin d’expliquer ce que tu as en tête ; mais j’ai du aussi découvrir un métier qui n’est pas le mien, trouver des financements par exemple et ce n’est pas mon métier à la base et ce n’est pas ce qui me passionne.
En maison de disque, c’est agréable ; quand même ; d’avoir des interlocuteurs qui sont à l’écoute et qui peuvent m’aider à mettre en œuvre ce que j’ai en tête.
Je ne crois pas au mythe du mec génial qui peut tout faire tout seul, ça n’existe pas.
Dans cette aventure, j’ai été ensuite entouré par mes musiciens, ma manageuse, mais lors de l’étape cruciale de se lancer dans l’album, il y a eu un peu des deux, j’étais follement épris d’un sentiment de liberté où je me disais que tout était possible et puis le fait de me dire que je ne pouvais compter que sur moi, tout faire tout seul, mais cela m’a fait grandir.
Qui chante avec toi sur cet album ?
Il s’agit de Marie Herbaut, une jeune artiste inconnue pour l’instant et qui est un peu la protégée de mon ingé son et co-réalisateur.
Marie chante plus généralement en Anglais.
J’avais envie de faire un duo avec femme, on a fait un essai et ça l’a fait direct !
J’aime bien tendre la main à mon humble niveau comme on m’a tendu des mains par le passé.
Marie travaille actuellement sur un album.
As-tu composé l’intégralité des titres ?
J’ai toujours tout écrit et composé mais pas pour cet album, j’ai eu le plaisir de recevoir des textes de Miossec, Dominique A et Lescop.
C’est arrivé par un concours de circonstances, en discutant ensemble, on s’est dit faisons des chansons ensemble.
Les trois m’ont envoyé des textes, je me suis dis que ça allait être un bon exercice et je trouvais cela marrant que ce soit l’exercice inverse par rapport à l’accoutumée.
Je n’avais jamais fait ce genre de chose auparavant et j’ai trouvé ça très galvanisant !
C’était très motivant de partir d’un texte qui n’était pas le mien, ça m’a offert un autre souffle de liberté même si on restait dans les mêmes thématiques.
Je me suis ouvert à d’autres personnes et surtout ces artistes ne sont pas des inconnus et ce sont des artistes que j’apprécie énormément.
La musique, au début, ce n’était pas forcément ta voie, tu as étudié les arts appliqués, le cinéma à la Fémis, tu as été chef opérateur sur des tournages mais aussi boxeur, comment as-tu bifurqué dans le domaine musical ?
Il me faudrait une demi-journée (rires) pour vous expliquer mon parcours.
J’ai eu, en fait, une histoire très classique ; depuis le lycée je faisais du rock avec des potes.
J’ai toujours fais de la musique mais plutôt en sous-marin dirons-nous, les projets que j’ai monté étaient plus underground, nous n’avions pas cette volonté de vendre des albums, nous faisions des morceaux très longs, je slamais sur les titres alors qu’à l’époque ça ne se faisait pas du tout.
Ma formation Polagirl a eu un petit impact dans le milieu Indé Français.
J’ai fais en parallèle des études d’arts appliqués, ensuite je suis rentré à la Fémis, ma spécialité était l’image.
Dans cette école, il y avait un studio qui était inutilisé, au bout de 6 mois, je suis allé voir le directeur technique de la Fémis et je lui ai demandé le droit d’utiliser l’endroit.
C’était un peu mon deuxième chez moi et j’ai commencé à y faire des bandes originales pour les court-métrages de mes potes en y faisant des exercices de style.
Je me suis retrouvé à écrire et composer tout seul et j’y ai trouvé un vent de liberté !
Lorsque j’ai commencé à travailler dans le cinéma, j’ai rencontré Daniel Darc et ça a été une rencontre décisive.
J’ai commencé à faire écouter mes chansons et c’est comme cela que j’ai été pris sur une compil des Inrock, puis j’ai eu la chance d’avoir une bourse du Fair qui est une bourse crée pour les deux premiers albums et qui aide les artistes au niveau professionnel.
J’ai été le premier artiste à avoir le Fair et à être sur une compil des Inrock la même année.
Les maisons de disques ont commencé à s’intéresser à moi et j’ai du faire un choix.
Je voulais faire les deux, cinéma et musique, pour moi je ne pouvais pas choisir, j’ai toujours comparé cela à deux jambes, on avance toujours mieux avec deux jambes plutôt qu’avec une seule.
Je devais partir sur un long métrage, finalement j’ai décidé de foutre un grand coup de pied dans ma vie et de partir dans le monde de la musique.
Tu as écris pour de grands artistes tels que le regretté Bashung, mais aussi Françoise Hardy, Amandine Bourgeois, et travaillé avec des artistes comme Miossec, Dominique A ou Lescop, comment ces collaborations sont-elles nées ?
Bashung a été ma première expérience dans le domaine et cela a été assez marrant, je savais qu’il préparait un album depuis plusieurs années mais que cet album ne voyait pas le jour ; j’ai réussi à avoir le numéro de téléphone du directeur artistique de son label ; spontanément je lui ai écris trois textes que j’ai envoyé sans faire attention que dans ma boite mail j’avais un mail de ce directeur artistique qui me sollicitait pour écrire des textes pour Alain.
Nos mails se sont croisés, c’est un véritable coup du destin.
Tout c’est fait assez spontanément avec Alain Bashung.
J’ai travaillé un bon moment avec Françoise Hardy mais notre collaboration n’a jamais aboutie, cette rencontre est arrivée car elle avait aimé mon texte pour Alain, je n’étais pas prêt à cette époque à aller sur un terrain de grande variété, j’étais encore assez noir dans mon écriture.
J’ai écrit et composé un album entier pour Dick Rivers également, puis le directeur artistique d’Amandine Bourgeois m’a contacté tout en sachant que le mot circule très vite dans le milieu.
J’ai fais une petite pose ces derniers temps mais là je recommence à écrire pour diverses personnes, je suis dans deux jeunes projets actuellement, j’aime cette idée d’écrire pour des personnes moins connues, de prendre un projet à son point de départ.
La Nuit ne Viendra Jamais est ton premier roman paru en 2010, quelle en est la teneur ? Travailles-tu sur un second roman ?
Je vous invite à le lire, il a été racheté par Pocket !
La première édition est parue chez La Tengo ; c’était une commande ; dans le cadre d’une collection particulière ; ils prévoyaient de faire 20 romans, chacun dans un arrondissement de Paris, avec comme héroïne récurrente Mona Cabriole une journaliste d’investigation, et il fallait que ça parle de Rock’n’roll.
La collection s’appelait Polar et Rock’n’roll.
Tous ceux que j’avais lu comportaient vraiment une intrigue polar et le Rock’n’roll était un peu au second plan.
Je me suis dis je vais faire l’inverse, c’est la première fois que j’écrivais un livre, je voulais qu’il y ait aussi une histoire d’amour.
Mona est un peu au second plan et le personnage principal s’appelle Ian, c’est le chanteur d’un groupe de rock qui n’existe pas, Ian est le mélange de pas mal de chanteurs qui eux existent, tout ce qui se passe autour du groupe en revanche est réel.
L’action se déroule sur trois périodes, 1992 ; 2011 et 2024.
On suit le destin de cet homme, de son ascension à sa chute.
A travers ce roman, j’ai pu raconter ce qu’était un peu l’envers du décor, ce qu’était vraiment le Rock’n’roll et expliquer qu’il y a des moments formidables mais qu’en même temps la tournée c’est un peu une espèce de routine et que tout le monde ne ressemble pas aux Rolling Stones dans les années 70.
Il va y avoir plusieurs crimes inexpliqués lors des concerts du groupe, le mystère reste total, pas d’empreintes, pas de témoins, pas de mobile…
L’enquête va commencer et il n’y aucune piste au départ.
Pour ce qui est d’un second roman, oui et non, j’ai été sollicité par pas mal de grosses boites d’édition car le roman a bien marché, mais je n’ai pas encore donné suite car je n’ai pas encore eu LA bonne idée.
Quand je commence à faire quelque chose, j’ai envie d’être légitime, je veux livrer quelque chose d’intéressant et ça demande du temps, écrire un livre représente plusieurs années de ta vie, il faut donc être certain de ton idée.
Récemment, un magazine pour la jeunesse m’a commandé un roman court pour adolescents. J’ai commencé à l’écrire, mais ils ont trouvé ça trop adulte, un peu trop trash, donc ça ne se fera pas mais cela reste pourquoi pas la trame pour ce fameux deuxième roman…
Il y a surtout l’ancien patron de Dupuis Editions, Dimitri Kennes, qui m’a proposé un concept sur lequel j’ai commencé à travailler, il s’agit de réécrire mes chansons en nouvelles, puis de les illustrer graphiquement.
Je suis super motivé par le projet !
On va partir des Matins Blancs mais on va peut-être aller piocher dans les précédents albums.
Tu seras bientôt de nouveau en tournée à partir de la mi-mai, que représente la scène pour toi ?
La scène représente beaucoup de choses pour moi car je suis quelqu’un qui aime beaucoup la scène, j’aime tout dans ce métier même si la peur du lendemain, les doutes ne sont pas très agréables, mais composer des morceaux, les enregistrer en studio, tourner même faire la promo, j’aime ça !
La tournée est une sorte de libération, à un moment donné, tu vois les gens qui t’écoutent, tu vois comment ils perçoivent tes chansons, même si je reçois beaucoup de messages, quand tu vois les gens en vrai, c’est quand même autre chose !
Quand j’ai fais le Café De La Danse, il s’est passé vraiment quelque chose, un instant intense, la salle était archi remplie, il y a eu des retours incroyables.
Quand tu enregistres des chansons, elles sont figées, mais quand tu les rejoues sur scène, ces chansons grandissent avec toi, il y a toujours des petites modifications sur scène, on déshabille des chansons et on leur met d’autres fringues, c’est vraiment chouette.
J’ai la chance en plus d’être entouré de super musiciens !
La tradition sur Influence est de laisser le mot de la fin à notre invité…
Je vous dirais qu’il faut continuer à acheter des disques, en 2015, c’est un acte militant !
Si vous aimez la musique, si vous aimez certains artistes, il faut acheter leurs disques, pas pour que les mecs s’achètent de grosses bagnoles mais parce que c’est le seul moyen de subsister et de continuer.
Les artistes ne gagnent presque rien sur les concerts et les ventes de disques s’effondrent.
Je pense que les gens ont vraiment pris conscience de la crise du disque quand le Virgin des Champs Elysées a fermé.
C’est une prise de conscience à avoir !